Est-ce à la couleur des tomates que l’on repère un communiste?

Commençons par cette blague tirée du film « Pulp Fiction » réalisé par Quentin Tarantino :

« Trois tomates se baladent dans la rue. Papa tomate, maman tomate et bébé tomate. Bébé tomate traîne, regarde les belles nanas. Papa tomate se met en rage, lui balance une claque et lui dit : « Qu’est ce t’as ? T’es tout rouge. »

Hahaha ! Trop drôle… mais ce n’est pas obligatoirement vrai.

C’est parce que dans l’imagerie populaire que l’on se fait d’une tomate, sa couleur est rouge.

En plus avec les expressions:

« devenir rouge comme une tomate » tant l’émotion est forte.

ou

« écraser des tomates » pour avoir ses règles.

 

Il y a de quoi en confondre plus d’un.

Car dans les variétés de tomates connus aujourd’hui, il y en a des blanches, jaunes, noires, oranges, roses, rouges, vertes, violacées, violettes, zébrées…

Et puis des allongées, en formes de cœur, côtelées, en grappe, oblongues, des petites, des grosses, des très grosses, denses, douces, fermes, des parfumées, à peau épaisse, des rustiques…

Bref, une multitude!

 

Reprenons ses origines, tout d’abord

Son nom botanique est Solanum lycopersicum L.

Solanum est tiré du nom d’une morelle désignant l’espèce Solanaceae qui est soit dérivé du latin solari « soulager », faisant référence aux racines émollientes et adoucissantes ou aux propriétés narcotiques de la plante, ou bien dérivé du latin sol « soleil », peut-être en raison de la forme de la fleur.

Et lycopersicum vient du grec loup et du latin pêche mais là je ne crois pas qu’il faille y trouver une signification… le loup à la pêche ou bien le loup va à la pêche ??!!?

Concernant son nom vernaculaire, la tomate, il est commun à beaucoup de langues, avec de faibles variations phonétiques et orthographiques.

C’est ce qu’on appelle un « mot sans frontière » :

  • tomate en allemand, espagnol, français et portugais,
  • tomată en roumain,
  • tomat en danois, norvégien, suédois et estonien,
  • tomaat en néerlandais,
  • tomaquet en catalan,
  • domates en turc,
  • tomato en anglais

Pour une fois que les anglais suivent la norme européenne !

 

ou bien pas du tout comme en italien pomodoro, en polonais pomidor ou en hongrois paradicsom.

Même en français, le fruit s’est longtemps appelé pomme d’amour ou pomme d’or jusqu’en 1835.

 

Pour la petite histoire:

L’ancêtre de la tomate baptisé Physalis infinemundi serait âgé de plus de 50 millions d’années et proviendrait du super continent, le Gondwana (c’est la zone de l’actuel Antarctique, alors proche de l’Australie et de l’Amérique du sud, pour ce qu’il en reste aujourd’hui).

En tous cas, c’est ce qu’indique deux fossiles retrouvés en Patagonie (Argentine).

Credit: Ignacio Escapa, Museo Paleontológico Egidio Feruglio

Il y a 52 millions d’années existait une forêt tropicale dans laquelle poussait ce fruit, à mi chemin entre la tomatille et la cerise de terre, de la famille des solanacées. Ce sont ses baies qui ont également donné les pommes de terre, les physalis ou bien les aubergines…

Pour les tomates contemporaines, elles semblent toutes originaires des régions andines côtières du Nord-Ouest de l’Amérique du Sud. C’est là qu’on a retrouvé des plantes spontanées de diverses espèces de tomate cerise.

La première domestication de la tomate à gros fruits est vraisemblablement intervenue dans le Mexique actuel, par les aztèques qui ont commencé à en produire plusieurs espèces avec des formes et des couleurs différentes et lui ont donné le petit nom de « tomatl« .

Elle fut ensuite introduite en Europe au début du XVIe siècle par les Espagnols, d’abord en Espagne, puis en 1544 en Italie, par Naples, alors possession de la couronne espagnole.

Parce qu’elle est de la même famille que la belladone (plante toxique ++), on flippait de manger ses fruits.

L’espèce fut surtout utilisée comme plante ornementale. Il a fallut que les gens est vraiment faim pour que l’on commence enfin à la consommer.

En premier, les espagnols avec leur fameux gaspacho au début XVIIe et en France, en Provence, fin XVIIIe.

 

Et aujourd’hui

Aujourd’hui, avec les fruits et légumes et la Nature en général, c’est vraiment le bordel sur Terre. On fait un peu à notre sauce. Des apprentis sorciers ou « cuisiniers », en quelque sorte!

Il y a un siècle environ, une sélection des variétés de tomates a été entamée, poussée par la production commerciale;

– l’apparition de variétés de tomates hybrides –

Les hybrides possèdent souvent les meilleures caractéristiques de chacune des plantes mères et sont donc très recherchés. L’objectif est de s’assurer que la qualité de la tomate est constante pour les épiceries et les transformateurs d’aliments.

 

Mais l’Homme peut vite arriver à des dérives

La tomate est le 2ème légume le plus consommé au monde après la pomme de terre

Alors c’est dans les années 90 qu’apparaissent les premières tomates transgéniques.

Avec son industrialisation à grande échelle…et sa mafia.

Lisez le livre de Jean Baptiste Malet pour plus de précision sur ce business juteux et cet article du Monde.

« Grâce » à ces industriels sans scrupule, nous pouvons désormais trouver et acheter dans la grande distribution des tomates toute l’année.

Au delà des cultures sous serres pratiquées à grande échelle en Espagne, ce sont les cultures hors-sol qui ont pris le relais avec des variétés fermes, résistantes aux maladies et aux transports mais pratiquement sans goût.

Bienvenu dans l’air de la pétro-tomate !

«  ….Dans les années 1980 , on a pu voir un camion bourré de tomates quittant l’Espagne pour livrer la Hollande; dans le même temps, un camion bourré de tomates partait de la Hollande pour livrer l’Espagne. Des circonstances incroyables ont fait qu’ils se sont percutés dans la vallée du Rhône, mêlant pêle-mêle tomates hollando-espagnoles ! »

Un extrait du livre de Pierre Rabhi « La part du colibri »

Réfléchir avant d’acheter!

L’importance du commerce de la tomate donne lieu à des guerres commerciales stratégiques entre les principaux pays producteurs, impliquant notamment les États-Unis, la Chine et l’Italie.

Cette guerre concurrentielle pousse les producteurs à recourir à des pratiques de minimisation extrême des coûts, notamment humain, via la mise en œuvre de condition de travail précaire dans les exploitations que certains dénoncent comme étant proche de l’esclavage

Et à défaut de les manger, on peut faire une grosse orgie de gaspillage de tomates parce que l’on est européen et que l’on s’en branle de la faim dans le monde

la tomatina, à Bunyol en Espagne

 

La tomate du jardin

Bon, on est d’accord que la meilleure tomate est celle de son jardin ou bien de son maraîcher bio que l’on récolte ou que l’on achète à la bonne saison.

 

Sans qu’elle n’ait eu besoin de faire 150 fois le tour de la Terre.

Pour la bonne période, c’est de juillet à octobre

Et on la déguste en faisant varier tous les plaisirs :

crue tout d’abord

 

  • à la croque au sel, en quartiers ou en tranches,
  • dans les salades composées,
  • en simple carpaccio assaisonné d’une très bonne huile d’olive et de quelques gouttes de balsamique ou de citron
  • en brochettes aussi en piquant quelques tomates cerises en alternant avec des oignons, des poivrons et des champignons

cuite ensuite

 

  • la tomate farcie reste une recette phare de la cuisine familiale. Avec des idées de garniture à l’infini
  • la pizza qui ne peut guère se concevoir sans une bonne base de tomate que l’on agrémente ensuite d’autres éléments comme le fromage, les poivrons, les olives, etc.
  • séchée et confite dans l’huile elle constitue un délicieux condiment que l’on peut déguster tel quel ou en pesto
  • mixée, seule ou avec d’autres légumes elle vous permettra de réaliser de délicieux coulis, gaspacho et soupe chaude ou froide
  • en cuisine elle se marie très bien avec l’olive, la courgette, le poivron, le céleri et l’aubergine comme dans la ratatouille ou les lasagnes

Et puis encore, et encore pleins d’autres façons de la cuisiner…

 

La récréation de la tomate

Les pensées (1987) d’Alphonse Allais

Andy Warhol’s The Collection. Campbell’s Soup Cans 1962 

Un beau texte de l’ OuliPoPien Georges Pérec

Le Retour des tomates tueuses de John De Bello – 1988